le droit opposable au logement : un bilan noir et des espoirs déçus
la loi du 5 mars 2007 offre la possibilité pour toute personne qui réside sur le territoire français de façon régulière et stable et qui n’est pas en mesure d’accéder par ses propres moyens à un logement décent ou de s’y maintenir :
- d’exercer un recours amiable devant une commission départementale de médiation
- d’exercer un recours contentieux devant le tribunal administratif
pour faire valoir son droit , c’est à dire pour se faire attribuer un logement.
commission de médiation de Toulouse

1. un recours amiable en premier lieu devant une commission départementale de médiation.
Les personnes qui veulent saisir la commission doivent au préalable déposer une demande de logement auprès d’un bailleur de logements sociaux
A défaut d’attribution d’un logement par le bailleur ( HLM par exemple)
§ Toute personne satisfaisant aux conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, et qui n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement
§ toute personne dépourvue de logement,
§ Toute personne menacée d’expulsion sans relogement,
§ Toute personne hébergée ou logée temporairement dans un établissement ou un logement de transition,
§ Toute personne logée dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux
§ Toute personne logée dans des locaux sur-occupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent, s’il a au moins un enfant mineur, s’il présente un handicap .
. toutes ces catégories peuvent donc présenter un recours amiable devant une commission départementale de médiation.
La saisine de la commission peut se faire sans délai pour les demandeurs prioritaires et après un délai d’attente (délais définis par les arrêtés préfectoraux) pour les autres….
le site du Dal est riche de renseignements sur la saisine de la commission cliquez ici
Quelle est la portée du recours amiable ?
dans la mesure où elle reconnait le demandeur de logement comme prioritaire ( c’est à dire appartenant aux catégories 2 à 6 définies ci-dessus) et devant se voir attribuer un logement en urgence, la commission détermine en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement, et transmet sa décision au préfet qui est alors tenu de désigner le demandeur à un organisme bailleur social disposant de logements correspondant à la demande.
• Le bailleur procède à l’attribution d’un logement dans le cadre des droits de réservation du préfet (qui représentent environ ¼ des logements locatifs sociaux).
2. un recours contentieux en second lieu pour les personnes désignées comme prioritaires
depuis le 1er décembre 2008, , les personnes prioritaires qui n’ont pas obtenu de logement après avoir saisi la commission, peuvent faire un recours contentieux devant le tribunal administratif.( ce droit sera ouvert seulement en 2012 pour les personnes non prioritaires )
Quelle est la portée du recours contentieux ?
Toute personne dont la demande de logement est reconnue prioritaire et urgente par la commission de médiation et qui n’a pas reçu une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut saisir le tribunal administratif.
Le juge saisi doit statuer dans les deux mois
Le magistrat peut ordonner à l’état de loger ou reloger le demandeur et il peut assortir cette obligation d’une astreinte financière qui sera versée non pas au demandeur mais à un fonds d’aménagement urbain
Il peut également ordonner l’accueil dans une structure d’hébergement , un établissement ou logement de transition ou une résidence hotelière à vocation sociale.
Les commissions de médiation ont été rapidement mises en place et pourtant les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes
quel est le bilan de cette première phase c'est à dire la phase de recours amiable ?
Selon le deuxième rapport annuel du Comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement
- dossiers déposés 40 000 sur les huit premiers mois de l’année 2008
· 37 590 ont été déposés en vue de l’obtention d’un logement.
· 2 657 ont été déposés en vue de l’obtention d’un hébergement.
- 9 000 ménages ont été désignés comme prioritaires
- 2 160 ont reçu une offre de logement ou d’hébergement
- Dossiers déposés : 50 636 (au 31/12)
Demandes examinées : 26 625 (par les commissions de médiation)
Avis favorables: 13 845
Nombres de ménages relogés suite à une offre de la préfecture: 3 374
voir article ici Bilan d'étape d'un échec annoncé

Le nombre de recours est peu élevé eu égard à l’importance des besoins tels qu’ils peuvent être estimés à partir des sources statistiques disponibles.
Dans son premier rapport, le comité de suivi avait cité le chiffre de 600 000 ménages potentiellement concernés c'est à dire
entrant dans les catégories prioritaires (hors délai anormalement long).
Force est de constater qu'au 31.12.2008
- le nombre de dossiers déposés ne représente que 8.4% du nombre de besoins estimés
- le nombre de demandes examinées 4.4 % par rapport à ces besoins.
- ce qui porte à moins de 0.6% les offres de logement ou d'hébergement par rapport aux besoins estimés.
comment peut on expliquer cette situation ?.
Frédéric Tiberghien, conseiller d'état fait une analyse des blocages voir article du Monde du 12.06.2009 ( ici )
- un droit mal connu et une réticence de l'administration à diffuser l'information car elle craignait d'être submergée par les demandes. Il faut douze à quatorze mois en moyenne entre le moment où la personne fait sa demande et le moment où elle est relogée.
- Des conditions d'accès floues.. La loi DALO prévoit six catégories de personnes à reloger en priorité qu'il faut combiner avec des dispositions qui existent déjà. Par exemple : si une personne vit dans un logement insalubre, c'est au propriétaire de la reloger, mais doit-on faire prévaloir cette disposition ou admettre la personne comme demandeuse prioritaire au titre du DALO ? Un problème similaire se pose pour les expulsions : doit-on être admis quand on reçoit un avis du propriétaire ou seulement une fois l'expulsion prononcée par la justice ?
- Des demandes très disparates selon les régions une forte concentration des demandes dans les agglomérations, notamment en région parisienne alors que les logements disponibles sont largement insuffisants (estimation pour Paris : 10 000 logements accessibles par an pour environ 60 000 personnes. Au niveau national, 55 000 logements, pour 600 000 à 800 000 personnes qui pourraient être jugées prioritaires.
- des droits qui s'entrechoquent "Les communes, les partenaires sociaux, l'état, les offices HLM ont des droits de réservation sur les logements sociaux et la loi DALO bouscule ses priorités.
- de nouveaux contentieux en perspective . Les questions juridiques soulevées par l'application de la loi DALO sont nombreuses . le rapport du Conseil d’État en dresse un premier inventaire Que se passe-t-il quand un citoyen déclaré prioritaire n'obtient pas de logement ? Selon la loi, l'Etat peut-être condamné à verser une astreinte qui sera destinée à un fonds de construction de logements sociaux. Mais la loi n'exclut pas non plus que la personne lésée engage une procédure pour obtenir réparation personnellement."
prochain billet : les propositions du Conseil d'Etat