Prendre aux pauvres pour donner aux plus pauvres !!!! un sport gouvernemental bien rodé
Christian Estrosi vient de déposer un projet de loi , qui semble , une fois n'est pas coutume, adapté aux réalités de la vie familiale.
Illusions perdues si je regarde le dispositif de près, car la réforme proposée risque de paupériser encore plus....... les plus pauvres !
IL EST SOCIALEMENT et HUMAINEMENT INACCEPTABLE DE DONNER AUX UNS POUR DEMUNIR LES AUTRES .
Examinons le projet :
Il propose que les foyers perçoivent les allocations familiales , dès le premier enfant, et d'allouer une somme identique pour chaque enfant .
Si le projet semble à première vue équitable , il est assorti , en revanche d'un exemple qui laisse perplexe .
Sur la base d'une somme de 65 euros par enfant :
une famille avec 1 enfant percevrait : 65 euros (dispositif actuel : 0 euro)
famille avec 2 enfants : 130 euros (dispositif actuel : environ 125 euros)
famille avec 3 enfants : 195 euros (dispositif actuel : environ 285 euros)
famille avec 4 enfants : 260 euros (dispositif actuel : environ 445 euros)
Le montant des allocations sera fixé par décret .
Selon l'exemple donné, le projet est favorable pour les familles ayant un enfant , neutre pour les foyers de deux enfants , désavantageux pour les foyers de trois enfants ( qui vont perdre 90 euros de prestations par mois ) et drastique pour les foyers ayant 4 enfants et plus (moins de 180 euros par mois ).
..............................1 enfant 2 enfants 3 enfants 4 enfants
Système actuel 0 120 270 420
Système proposé 35 130 195 260
Gains/Pertes 65 - 10 -90 -160
Nombres de familles 3 600 000 3 300 000 1 300 000 470 000
La Caisse nationale des allocations familiales, qui se base sur une allocation de 60 € pour le premier enfant, a estimé en 2006 le le coût de ce changement à 2,5 milliards d’euros, c’est-à-dire plus de 20 % des dépenses totales d’allocations familiales .
Avec cette nouvelle répartition le coût de l'opération serait quasi nul voir avantageux .
Le projet est issu d'une étude du sociologue Julien Damon, professeur associé à Sciences Po, auteur de nombreux ouvrages sur les questions sociales.
Voici ce qu'il écrivait en 2007 REFERENCE
"Plutôt que de seulement créer une allocation familiale au premier enfant, ce qui ne peut qu’augmenter les dépenses sans grand impact redistributif et nataliste, il peut être sage de profiter de la création de cette prestation au premier enfant, pour revoir un système qui,
globalement, n’a pas été revu depuis 1945.
En forfaitisant les allocations familiales, c’est-à-dire en les rendant forfaitaires en fonction de l’unité enfant et non plus progressives en fonction de la taille de la fratrie et du rang de l’enfant dans la fratrie, il est possible d’avancer en simplicité, en intelligibilité et en équité..
L’idée serait d’avoir des allocations familiales de, par exemple, 60 € par enfant. On créerait ainsi une vraie allocation familiale (c’est-à-dire, selon une tradition française bien ancrée, une prestation universelle), et on pourrait financer le système à coût supplémentaire nul, voire,
selon les paramètres retenus pour les majorations pour âge, en faisant des économies.
Il s’agit là d’une transformation en profondeur de la politique familiale, mais au seul sens de la branche Famille – car il resterait toujours les avantages fiscaux attachés au troisième enfant.
Les gagnants de la réforme seraient les familles avec un premier enfant. Les perdants seraient les familles avec de nombreux enfants. Soulignons cependant une évidence : les secondes passent nécessairement par le premier stade… Avec une montée en charge progressive de la mesure, il est possible de gommer complètement, dans le temps, cette relative infortune."
Parler d'infortune est un euphémisme car elle va devenir une catastrophe pour plus 1.5 million de personnes qui risquent de sombrer un peu plus dans la pauvreté .
En effet Julien Damon écrivait dans le quotidien économique Les Echos du 12 juillet 2010,
"En 1996, on comptait environ 24 % de pauvres dans les deux cas des familles nombreuses et des familles monoparentales. On en compte, en 2007 (derniers chiffres de l'Insee disponibles), 30 % pour les familles monoparentales, 21 % pour les familles nombreuses, soit un écart qui atteint maintenant 9 points.
En chiffres, sur un peu plus de dix ans, il y a toujours, chaque année, autour de trois millions de pauvres vivant dans une famille monoparentale ou nombreuse. Ils étaient deux fois plus nombreux, en 1996, à vivre dans une famille nombreuse (2,2 millions) par rapport aux familles monoparentales (1 million). En 2007, il y a 1,61 million de pauvres monoparentaux (appelons-les ainsi) et 1,58 million de pauvres nombreux (appelons-les également ainsi). "
L'idée d'étendre les allocations familiales au premier enfant n'est pas nouvelle :
Début 1996, le député UDF des Yvelines Pierre Cardo dépose une proposition de loi prévoyant le versement d'allocations familiales « substantielles » dès le premier enfant, pour inverser les tendances démographiques « préoccupantes » et « encourager la constitution des
familles ». En 1997, le PCF, emmené par Maxime Gremetz, fait adopter à l’Assemblée, en commission, un amendement attribuant les allocations familiales dès le premier enfant. En pleine controverse sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales, le PS se
dit favorable à cette option, avec modulation de toutes les allocations familiales en fonction du revenu.
En 2004, dans son rapport qui a fait date sur les enfants pauvres, le CERC se prononce pour l’instauration d’une allocation familiale (sans ou sous conditions de ressources), dès le premier enfant.